"Ne crains pas la justice, mais crains le juge". Ce proverbe russe met en valeur le manque de confiance, de soutien au juge étatique, laissant transparaître une volonté des justiciables de rechercher des modes alternatifs de résolution des différends, notamment à cause des délais judiciaires, de la compétence des juges, ou d'autres éléments jugés problématiques.
Dès lors, certains justiciables prévoient de soumettre les litiges pouvant naître d'un contrat à la compétence d'un arbitre par le biais d'une convention d'arbitrage qui pourra être une clause compromissoire (ou un compromis d'arbitrage en cas de litige né / art.1442 cpc). Ainsi, les justiciables vont venir anticiper un potentiel litige tout en remédiant à certains éléments procéduraux jugés insatisfaisants (délai, compétence, etc).
La convention va donc prévoir toutes les règles applicables à la procédure, et notamment les modalités de mise en oeuvre où l'arbitrage pourra être de 2 sortes :
- On peut avoir un arbitrage ad hoc où la convention déterminera toute la procédure avec la désignation des arbitres, la résolution des difficultés, les recours possibles, la langue, etc (art.1444 cpc) ;
- Et sinon on peut avoir un arbitrage institutionnel où on va retrouver une institution en charge du règlement des conflits dont les parties devront suivre la procédure prévue.
Par conséquent, il semble intéressant d'observer le régime juridique de la clause compromissoire, son autonomie par rapport au contrat principal, ainsi que sa force exécutoire.
I. Régime de la clause compromissoire
A. Conditions de validité EN DROIT INTERNE
L'arbitrage est interne lorsqu'il traite d'une opération intéressant un seul pays.
Dès lors, en droit interne, la clause d'arbitrage est réglementée par des sources législatives avec le Code de Procédure Civile et le Code Civil, et son régime juridique complété par la jurisprudence et des arrêts importants.
Ainsi, en droit interne, pour que la clause compromissoire soit valide, il faudra remplir 6 conditions particulières :
o La clause doit être écrite (art.1443 cpc) -> ATTENTION concernant l'arbitrage international, AUCUNE condition de forme n'est nécessaire (art.1507) ;
o Le litige doit être arbitrale de façon objective, c'est-à-dire concernant les personnes (exclusion de l'Etat et des EP en droit interne, mais pas au niveau international), ET subjective, concernant les questions dont les parties ont la libre disposition (art.2059 civ)
o Acceptation de la clause par la partie à laquelle on l'oppose (art.2061 civ) ;
o La clause doit avoir été conclue dans le cadre d'activités professionnelles, sinon la clause sera inopposable à la partie non-pro qui pourra choisir entre le juge étatique et le tribunal arbitral. Par conséquent, en droit interne, les clauses compromissoires sont interdites en droit de la consommation, notamment car le consommateur n'aura pas accepté la clause, et surtout car le coût de l'arbitrage est une entrave matérielle à l'accès à la justice qui plus est gratuite en France !
o Absence de renonciation à la clause compromissoire ;
Donc, l'envoi de conclusions au juge étatique peut caractériser une renonciation implicite à la clause (Civ, 2014, Société Porte des Neiges).
De même, la saisine du juge étatique par le demandeur initial caractérise sa renonciation à la clause d'arbitrage (Civ, 2017, Société Distri Dorengts).
o Arbitrabilité du contrat. En effet, en droit interne, certains contrats excluent l'application d'une clause d'arbitrage dans leur domaine. Ainsi, il n'est PAS possible d'appliquer une clause compromissoire dans un contrat de consommation (R212-1), ni dans un contrat de travail (L1411-1 travail).
ATTENTION, ces conditions sont importantes car il sera impossible de recourir à l'arbitrage si la clause compromissoire est manifestement nulle, c'est-à-dire lorsqu'il s'agit d'une matière dont l'arbitrage est proscrit, ou manifestement inapplicable pour certains contrats ou certaines personnes (art.1448 cpc).
Dans ces 2 cas, le juge étatique sera compétent (Civ, 2014, Société Kodak).
o Ainsi, une clause compromissoire est inapplicable à un liquidateur judiciaire afin d'assurer la possibilité de demander l'annulation d'un contrat en période suspecte (Civ, 2015, Société CPF) ;
o De même, une clause compromissoire peut être incompatible avec le droit de l'Union car sinon cela amènerait le tribunal arbitral à arbitrer le DUE (CJUE, 2018, Achmea : différend concernant l'application d'un traité bilatéral d'investissement intra-UE).
En outre, si la convention d'arbitrage ne définit pas toutes les modalités de l'arbitrage, certaines dispositions supplétives prendront place, notamment concernant le jugement en amiable composition ou en droit (art.1478 et 1512 cpc), concernant les modalités de recours et d'appel (art.1489 cpc), ou concernant la désignation des arbitres (art.1459 cpc).
Par conséquent, il sera possible de recourir à un juge d'appui afin de résoudre des situations de blocage ou des difficultés afférentes au déroulement de la procédure arbitrale. Mais ATTENTION, il n'y a PAS de compétence générale du juge d'appui pour trancher tous les litiges survenant de l'arbitrage mais il a la compétence pour désigner le juge étatique territorialement compétent pour en juger (Civ, 2017, Société Projet Pilote Garoubé).
Malgré tout, il pourrait être intéressant de porter une réflexion approfondie concernant les clauses d'arbitrage, notamment car, dans certains cas, cela empêche un créancier de faire valoir ses droits car il n'en a PAS les moyens. Dès lors, dans ce cas-là, la clause d'arbitrage peut priver le créancier de la substance de l'obligation essentielle du débiteur puisqu'en cas de litige, le créancier ne pourra pas le poursuivre...
B. L'arbitrage international
Concernant des opérations internationales, les modalités et solutions sont bien différentes afin de faciliter et de fluidifier le commerce international. Par exemple, en présence d'une opération internationale, aucune condition de forme n'est prévue puisque l'autonomie de volonté est primordiale (article 1507 cpc).
Dès lors, il est absolument primordiale de déterminer l'internationalité, ou non, d'une opération afin de déterminer le régime applicable. Pour cela, on utilisera 2 critères :
o On peut utiliser un critère juridique en observant les éléments d'extranéité ;
o Ou on peut suivre un critère économique en déterminant la mise en jeu des intérêts du commerce international, c'est-à-dire en observant si l'opération se déroule dans un ou plusieurs pays (art.1504 cpc). C'est ce critère qui est retenu en France, ce qui semble logique puisqu'il permet d'observer le but final que les opérateurs envisagent.
Par conséquent, si une opération est internationale, elle se verra appliquer des règles spéciales, souples en matière d'arbitrage. Ainsi, au contraire du droit interne, les clauses compromissoires sont valables dans les contrats internationaux de consommation (Civ, 1997, Jaguar) et ainsi la clause d'arbitrage est reconnue valide SANS condition de commercialité des 2 parties permettant ainsi de reconnaître la validité générale des clauses compromissoires dans les contrats internationaux fondée sur l'autonomie de la volonté des contractants ayant rédigés la clause (Civ, 1999, Zanzi).
De même, il est possible de prévoir clause compromissoire dans un contrat de travail international, mais elle sera inopposable au salarié qui aura donc le choix de compétence, alors même qu'en principe il y a compétence exclusive du CPH (Soc, 2005, Société Taiphoon).
En outre, au contraire du droit interne, une PM de droit public peut être tenue par une convention d'arbitrage dans l'ordre international (Civ, 1966, Galakis) ;
De plus, au contraire du droit interne, la clause compromissoire internationale ne doit pas avoir été nécessairement acceptée puisqu'il y aura transmission automatique de la clause dans un contrat international translatif de propriété SANS acceptation préalable de la clause par le sous-acquéreur (Civ, 2007, Alcatel Business)
Afin de compléter la régulation de l'arbitrage international, des conventions internationales ont été passées pour faciliter la reconnaissance et l'exéquatur des sentences arbitrales, notamment la Convention de New York du 10 juin 1958, et son guide d'interprétation de 2016. Ainsi, l'art.5-1 de cette convention prévoit que l'annulation d'une sentence arbitrale dans le pays d'origine ne la prive pas d'une exécution ultérieure dans un autre pays car la sentence a été établie dans l'Ordre juridique transnational (Civ, 1984, Norsolor + Civ, 2007, Putrabali).
II. L'autonomie de la clause compromissoire
L'autonomie de la clause compromissoire est un sujet très important concernant l'arbitrage. En effet, en présence d'une clause compromissoire, la convention d'arbitrage est prévue au contrat afin d'anticiper tout litige FUTUR. Dès lors, il est prévu que la clause compromissoire soit autonome de son contrat principal, notamment car elle ne participe PAS à l'exécution du contrat et que sa mise en oeuvre naît de la défaillance dans l'exécution du contrat. Par conséquent, la clause compromissoire survivra à l'inefficacité du contrat (art.1447 cpc).
Cette autonomie de la convention d'arbitrage a été reconnue petit à petit par la jurisprudence par des arrêts successifs :
o Civ, 1963, Gosset = Autonomie de la clause à l'égard du contrat principal ;
o Civ, 1972, Hecht = Indépendance vis-à-vis des règles de conflit de lois ;
o Civ, 1989, Bomar Oil = Validité de la clause en matière internationale à condition qu'elle ait été acceptée par les parties à l'arbitrage ;
o Civ, 1993, Dalico = Indépendance de la clause par rapport au contrat principal. Dès lors, une clause n'est PAS nécessairement soumise au même droit que le contrat dans lequel elle est incluse, et ainsi des contrats d'application pourront appliquer une clause attributive, alors que le contrat cadre se verra appliquer la clause compromissoire (Civ, 2013, Société Bio Alliance).
En outre, il peut être intéressant de se demander quelle clause appliquer lorsque plusieurs clauses concernent la résolution des différends dans un contrat, comme par exemple une clause attributive et une clause compromissoire.
Ainsi, selon le principe compétence-compétence, c'est l'arbitre seul qui pourra déterminer sa compétence (art.1448 cpc), et non le juge étatique (Civ, 2003, SCI La Chartreuse). Mais ATTENTION, si le Tribunal arbitral n'a pas encore été constitué, le juge étatique reste compétent, d'autant plus qu'il ne peut PAS soulever d'office son incompétence puisque c'est l'une des parties qui devra faire un déclinatoire de compétence !
III. La force exécutoire de la sentence
Dès lors, après que le tribunal arbitral a rendu sa sentence, il est nécessaire de passer par la procédure d'exéquatur afin d'obtenir la force exécutoire de la sentence. Par conséquent, il faudra saisir le juge étatique par une procédure sur requête où le juge étatique fera un contrôle du dispositif de la sentence pour observer la décision rendue par les arbitres (art.1497 cpc).
ATTENTION, il sera possible de faire un recours contre la sentence rendue UNIQUEMENT si la clause ou le compromis l'a prévu (art.1489). Mais, il est tout de même possible de faire un appel-nullité devant la Cour d'Appel sous circuit court (art.905) dans 6 cas (art.1491-1492).
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