Apparemment : « La seule garantie effective de la liberté, c’est encore et toujours l’indépendance financière » (Jean-Claude Clari). Cette citation, ô combien valable sur le plan privé, nous rappelle notre société capitaliste, et introduit parfaitement le thème de cet article : la garantie en droit français.
En effet, en droit français, il existe différents mécanismes contractuels de garantie permettant d’assurer une opération. D’une part, la garantie peut être prévue au sein d’une clause de garantie de passif mise en place, par exemple, dans la pratique des fusions-acquisitions en tant que clause contractuelle de garantie pour protéger la société absorbante contre des événements antérieurs faisant naître un passif postérieur à l’opération de fusion. D’autre part, il est également possible de trouver une clause de « complément de prix », ou clause d’« earn-out », permettant de garantir la valeur future de la société postérieurement à la vente et ayant pour objet de moduler le prix de cession en fonction des résultats futurs de la société.
La garantie de passif agit donc sur la valeur de la société et le prix de cession des titres, tandis que le complément de prix agit sur le prix de cession des titres directement.
On voit donc bien que le mécanisme juridique de « garantie » peut être très varié et constitue un enjeu majeur de la pratique. Quoi qu’il en soit, ces clauses profitent au cessionnaire de la clause de garantie. Le bénéficiaire de la garantie peut donc correspondre au nouvel associé ayant racheté les droits sociaux représentatifs de la société (Com, 8 mars 2017, Gall Heng c/Jung n°15-19.174), mais la garantie peut également être consentie au profit d’une société.
Nous nous attarderons donc dans un premier temps sur le régime juridique de chacune de ces 2 garanties (I), pour ensuite mettre en valeur les ressemblances et différences (II), et finalement nous nous intéresserons à la question de la transmission d’une garantie (III).
I. Définition et Régime juridique
A. Les clauses d’earn out et de révision de prix
On peut définir la clause d’earn-out comme une clause ayant pour but de réviser le prix de cession des titres, fixé lors de la cession, en fonction d’éléments postérieurs à la cession (par exemple les résultats futurs de la société). Cette clause semble donc se rapprocher d’une clause de révision de prix qui aurait pour objet de modifier et donc de réduire ou d’augmenter, le prix de cession des titres en fonction d’éléments, cette fois-ci, antérieurs à la cession (toujours par exemple les résultats futurs, ou encore apparition d’un passif dont l’origine est antérieure = dettes fiscales issues d’un redressement).
Dans les 2 cas, les clauses doivent prévoir de manière très précise et objective les modalités d’application et de mise en œuvre du mécanisme de révision du prix. De même, la clause devra prévoir la durée pendant laquelle la révision de prix pourra être sollicitée et la méthode d’expertise à utiliser pour déterminer la valeur de révision.
De toute évidence, ce genre de clause de garantie, se rapproche plus d’une garantie de PRIX que d’une garantie de PASSIF.
B. La garantie de passif
La garantie de passif correspond à une clause permettant au cessionnaire de droits sociaux de garantir le paiement par le cédant à la cession de titres du passif né POSTERIEUREMENT , mais relatif à des événements ANTERIEURS (dette fiscale, taxe carbone, passif, etc).
Il est important de retenir que la garantie de passif suit le régime du contrat principal dans lequel elle est intégrée (contrat de cession de droits sociaux). Elle ne peut donc être autonome (nous en reparlerons plus tard).
Par ailleurs, la garantie peut engager les biens communs des époux comme l’a souligné la Chambre civile de la Cour de Cassation en 2012 (Civ, 2012, Société Amidis). En effet, dans cet arrêt, les juges ont précisé que la garantie de passif ne correspondait pas à un engagement unilatéral mais à un jeu d’obligations réciproques. Par conséquent, elle ne pouvait être assimilée à un cautionnement. Par contre, elle pouvait dès lors engager les biens communs des époux. Il semble donc que son régime soit ici assimilé à celui de la garantie à première demande. On voit donc que la garantie de passif met en place des obligations réciproques pour les contractants.
Dès lors, par exemple dans le cas d’une cession de droits sociaux avec garantie de passif, la mise en place de la garantie se fera par une série de déclarations du cédant fondée sur son obligation d’informations (article 1112 al.1 code civil) et portant sur les caractéristiques essentielles de la société, à savoir : la répartition du capital, l’état des sûretés, les litiges, la sincérité et prudence des comptes, etc.
Par conséquent, la rédaction de cette clause de garantie doit être TRES précise et comporter des éléments indispensables à NE PAS oublier :
o La désignation du bénéficiaire de la garantie ;
o La précision des dettes et risques entrant dans le champ de la garantie afin de limiter son champ d’application (à défaut, la clause couvrira l’ENSEMBLE des dettes de la société). Dans ce cas, d’importantes négociations peuvent avoir lieu (notamment lors d’une fusion absorption concernant le passif de l’absorbée) ;
o Évidemment les conditions de mise en œuvre de la garantie et les étapes à réaliser (mise en demeure, LRAR, …).
ATTENTION -> En cas de dol du cédant lors de la cession de droits sociaux accompagnée d’une garantie de passif, ce dernier ne pourra PAS opposer une clause limitative de responsabilité accessoire contenue également dans le contrat de cession car il y a nullité des clauses limitatives en matière délictuelle (Civ, 2017, Société Cast).
On imaginera facilement que la garantie de passif puisse être remplacée par une compensation conventionnelle entre le paiement du prix et l’indemnité due au titre de la garantie de passif puisque cela provoquera les mêmes effets.
II. Ressemblance(s) et différence(s)
Toutefois peu importe la garantie, l’idée qui se cache derrière la mise en place d’une garantie reste de garantir la valeur des titres cédés et donc puisque la valeur des titres représente celle de la société, de garantir la valeur de cette dernière. On peut alors dire que l’objet de la clause est le même, quel que soit le mécanisme contractuel imaginé, puisque pour les parties ils ont la même finalité.
o Pour le cessionnaire, bénéficiaire de la garantie (associé ou société), il bénéficiera donc dans les 2 cas de la même garantie et de la même finalité peu importe la garantie
o Tandis que pour le cédant, accordant la garantie, peu importe la garantie, puisqu’il s’engage à garantir implicitement le passif, actuel et potentiel, de la société, et par conséquent la valeur actuelle des titres et de la société.
Quand bien même la finalité serait la même, on remarquera une distinction dans l’objet de l’obligation et concernant le moment où intervient la garantie :
o Concernant la clause de révision de prix, cette dernière intervient de manière rétroactive au moment de la FORMATION du contrat en révisant le prix initialement fixé lors de la formation du contrat ;
o Concernant la garantie de passif, elle n’intervient qu’au moment de son EXECUTION en compensant la survenance d’un passif nouveau ou d’un éventuel préjudice.
En outre, on pointera également une différence concernant « le plafonnement » de la garantie.
o Concernant la clause de révision, cette dernière n’oblige le cédant à garantir la perte de l’actif net qu’à hauteur du prix de cession, sans pouvoir aller au-delà de ce prix (Com, 18 décembre 2001, Société Marduel).
Dès lors, si le plafond est supérieur à ce prix-là, il s’agit d’une garantie de passif.
o Concernant la garantie de passif, le cédant qui accorde la garantie s’engage à prendre en charge l’INTEGRALITE du passif apparu postérieurement à la cession pour une cause antérieure et ce quel qu’en soit le montant (sauf stipulation contraire).
Ainsi, lorsqu’une cession de droits sociaux se fait au prix symbolique d’1€, il est possible d’intégrer une garantie de passif afin d’assurer l’investisseur qui reprend la société contre le risque d’insolvabilité de cette dernière.
III. La transmission de la garantie
Mais tandis que la cession de droits sociaux se fait de manière assez courante, qu’en est-il de la transmission d’une telle clause de garantie ? En l’espèce, cela dépend du bénéficiaire de la garantie.
En principe, la clause de garantie de passif ne peut PAS être transmise au sous-acquéreur cessionnaire des titres puisqu’elle a vocation à profiter UNIQUEMENT à la même personne, c’est-à-dire : à la société ou à l’associé. Lorsqu’il y a cession, la garantie existe toujours entre la société (créancière de l’obligation) et l’ancien associé (débiteur de l’obligation). C’est bien la société qui conserve l’intérêt à agir même s’il y a un sous-acquéreur.
Malgré tout, dans le cas d’une opération emportant transfert universel de patrimoine (comme par exemple avec une fusion), cela va entraîner, logiquement, une transmission automatique et de plein droit de la garantie de passif au profit de la société absorbante.
o En effet, le mécanisme se rapporte alors à une cession de créance (la société absorbée est créancière de l’obligation de garantie de l’ancien associé).
o Dès lors, le code civil précise que, dans le cas d’une cession de créance (article 1323 code civil), cette dernière devra avoir été constatée par écrit et le débiteur cédé (l’ancien associé garant de la garantie de passif) devra avoir reçu notification du cédant (la société absorbée) ou avoir pris acte de la cession de créance ayant eu lieu avec le cessionnaire (la société absorbante).
Cet article vous donne un bref éclairage sur les solutions et apports concernant le régime des garanties de passif et garanties de prix.
Pour aller plus loin, il serait intéressant de se demander s’il ne serait pas opportun pour le législateur d’imaginer la création d’un régime légal concret concernant ce thème. Choisir une dualité des garanties ou une unité de régime ? Je vous laisse y réfléchir !
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