Principe et proportionnalité du cautionnement
« Qui prête de l’argent sans garantie, perd l’argent et l’ami ». Ce vieux proverbe français introduit parfaitement le mécanisme du cautionnement. Mais le terme de « garantie » étant très ambivalent, nous nous concentrerons dans cette étude sur un certain type de sûreté avec le cautionnement.
En effet, selon l’article 2288 du code civil : « Celui qui se rend caution d'une obligation se soumet envers le créancier à satisfaire à cette obligation si le débiteur n'y satisfait pas lui-même ». Ainsi, on peut dire qu’avec un cautionnement, un créancier détient une obligation principale sur son débiteur, garantie par une tierce personne (caution) qui s’est engagée à payer pour lui en cas de défaillance.
Cette sûreté personnelle crée une obligation accessoire calquée sur l’obligation principale du débiteur principal. Le cautionnement est donc un contrat entre le créancier et la caution avec obligation unilatérale de règlement de la caution. En outre, on retrouve une grande variété de cautionnements pouvant être simples ou solidaires, à dette déterminée ou indéterminée, etc. En pratique, on trouve le plus souvent des cautions solidaires où la caution pourra être poursuivie en paiement sans que le créancier ne mette en demeure le débiteur principal.

Quoi qu’il en soit, le cautionnement doit remplir certaines conditions de fond du droit commun et également des conditions spécifiques au cautionnement comme par exemple la mention manuscrite du montant et de la durée du cautionnement (loi Dutreil du 7 août 2003), ou encore la proportionnalité du cautionnement aux biens et revenus au moment de la conclusion (L332-1 consommation).
C’est cette recherche de proportionnalité qui nous intéresse aujourd’hui illustrée par un récent arrêt du 24 mars 2021 de la 1ère chambre civile de la Cour de cassation (Civ, 24 mars 2021, CRCAM, n°19-21.254).
En effet, en droit, la jurisprudence considère qu’en cas de cautionnement excessif par rapport au patrimoine de la caution, il y a une faute créant un préjudice égal au montant de la différence entre le patrimoine et le montant de la caution.
Les juges considèrent donc qu’il y a un cautionnement disproportionné par rapport au patrimoine de la personne caution (Com, 17 juin 1997, Macron).
C’est pourquoi il est nécessaire que le cautionnement soit proportionné aux biens et revenus au moment de la conclusion du contrat (L332-1 consommation).
Au contraire, en cas de disproportion, il y a déchéance du droit de demander à la personne caution le paiement de la caution à la place du débiteur principal défaillant.
Dans l’arrêt qui nous intéresse aujourd’hui, en l’espèce, par un acte au 7 mars 2009, la Caisse régionale de Crédit Mutuel (ci-après « CRCAM ») avait consenti à la société MGM Moto un prêt de 160 000 € dont Mr et Mme se portaient cautions solidaires pour 52 000 €. Or, la société avait été mise en liquidation et les cautions avaient donc été assignées en paiement et s’y opposaient sur le fondement de la disproportion de leur engagement.
La fiche de renseignements demandée par la banque CRCAM remplie par les cautions indiquait une résidence principale (170 000 €), une résidence secondaire (60 000 €), des parts de SCI (660 000 €), des terrains (170 000 €), un fonds de commerce (500 000 €) et une épargne mobilière (6 000 €) : soit un patrimoine d’environ 1 566 000 €. Dès lors, il semblait que la banque pouvait en déduire que l’engagement de caution de 52 000 € était proportionnelle au patrimoine aux cautions.
Or, en l’espèce, le patrimoine des 2 cautions était grevé d’hypothèques ou de sûretés. Mais, en s’appuyant sur la bonne foi (article 1104 civ), principe directeur du droit français, la Cour de Cassation souligne que la caution ne pouvait soutenir que sa « situation financière était en réalité moins favorable que celle qu’elle a déclarée au créancier » (après avoir rempli la fiche de renseignements relative aux revenus et charges annuels).
La banque CRCAM précisait alors qu’elle n’avait pas à "vérifier l’exactitude des déclarations d’une caution quant à ses biens et revenus" car il revenait à la caution "d’apporter spontanément au créancier tous les éléments d’information sur sa situation patrimoniale et financière de nature à apprécier la proportionnalité de son engagement et non à la banque".
Alors que les cautions solidaires s’étaient déjà engagées à concurrence de 214 500 € auprès d’une banque 5 mois auparavant, mais que cette information n’avait pas figuré sur les fiches de renseignements, la Cour se devait d’appliquer le principe élémentaire de bonne foi dans l’exécution du contrat (article 1104 civ) puisqu’il semble logique que le créancier soit à même de connaître les engagements de ses cautions débitrices.
Afin de rendre sa décision, la Cour pose au visa de cet arrêt l’article L332-1 du code de la consommation : « Un créancier professionnel ne peut se prévaloir d'un contrat de cautionnement conclu par une personne physique dont l'engagement était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus, à moins que le patrimoine de cette caution, au moment où celle-ci est appelée, ne lui permette de faire face à son obligation. ».
Dès lors, la Cour de cassation précise que les biens, même grevés de sûretés, doivent être pris en compte en en déduisant le montant de la dette dont le paiement est garanti par ladite sûreté. Argument tout à fait légitime puisqu’un bien grevé de sûreté reste pourvu d’une certaine valeur tant que celle-ci n’est pas totalement absorbée par l’autre sûreté.
Par conséquent, la Cour de cassation casse l’arrêt de Cour d’Appel qui avait jugé l’engagement de caution disproportionné et renvoie les parties devant la Cour d’Appel de Bordeaux (qui rendra sûrement un arrêt en faveur de la banque CRCAM).
Comme précisé plus haut, s’il y avait eu disproportion, il y aurait eu déchéance de la banque CRCAM pour demander paiement aux cautions de la société MGM Moto.
Toutefois, un projet de révision du droit des sûretés envisage de convertir cette déchéance en réduction à hauteur du patrimoine de la caution, sans pouvoir la priver d’un minimum de ressources (article 2310 AVPRS). Reste à voir ce qu’en décidera l’Assemblée Nationale dans les mois et/ou années à venir.