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Le Déséquilibre Significatif

Dernière mise à jour : 15 déc. 2020

Le déséquilibre significatif est une notion récemment implantée en droit civil , mais qui était également déjà présente dans d'autres branches du droit. Comment l'appréhender ?



En droit commun, l'article 1171 du code civil dispose que "Dans un contrat d'adhésion, toute clause non négociable, déterminée à l'avance par l'une des parties, qui crée un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat est réputée non écrite".


Ainsi, on apprend que son domaine d'application renvoie aux clauses abusives et permet ainsi d'accroître le protection des contractants contre des stipulations contractuelles qui viseraient à créer un déséquilibre significatif.


Afin de comprendre cette notion, il est important de faire un rappel chronologique:

  • Création de la clause abusive par la loi Scrivner du 10 janvier 1978 créant la notion de consommateur afin d'éviter l'asymétrie d'information entre le professionnel et le consommateur (article L132-1 conso)

  • Création de la notion de déséquilibre significatif par la loi de modernisation de l'économie du 4 août 2008 permettant de sanctionner, sur le terrain de la responsabilité, les clauses abusives entre professionnels (art.L442-6 com)

  • Pouvoir donné au juge de déterminer si une clause est abusive grâce à la loi Hamon du 16 mars 2014 (art.L441-14 com)

  • Réforme du droit des contrats par l'ordonnance du 10 février 2016 introduisant dans le code civil la notion de déséquilibre significatif (art.1171 civ)


Dès lors, il est évident que nous sommes face à un problème d'articulation entre l'application d'un texte spécial et d'un texte général :


Sur quel fondement agir en présence des deux textes dont les sanctions diffèrent ?


Concernant les personnes, mis à part les contrats avec un consommateur régis par l'art.L132-1 conso, quel(s) texte(s) appliquer en présence de professionnels?

  • Le code du commerce précise son application en présence d'un "producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers" avec un partenaire commercial, c'est-à-dire dans une relation d'affaires.

  • Dans ce cas, le code civil devrait donc s'appliquer lorsque des professionnels NE PEUVENT PAS se prévaloir du C.com car ils ne sont pas producteur/commerçants, etc, OU car ils ne sont pas partenaires commerciaux.

Concernant les contrats :

  • Le C.civ vise UNIQUEMENT le déséquilibre issu d'un "contrat d'adhésion", c'est-à-dire concernant un contrat qui "comporte un ensemble de clauses non négociables, déterminées à l’avance par l’une des parties" (art.1110 civ).

  • Le C.com lui s'appliquera UNIQUEMENT si UNE ou DEUX clauses MAX sont déséquilibrées, et non pas pour un ensemble de clauses.

Concernant le déséquilibre, le code de commerce se voit appliquer lorsque le déséquilibre trouve sa source dans l'objet du contrat et dans le prix (si le c.com est applicable). Dès lors, le code civil ne pourra PAS se voir appliquer en présence d'un déséquilibre sur l'objet principal, sur l'obligation essentielle, et ni sur l'adéquation du prix à la prestation.


Malgré tout, il semble qu'une application cumulative, sinon concurrente des textes soit possible, notamment lorsque les tribunaux saisis sont les tribunaux spécialisés et à condition que le caractère déséquilibré d’une clause ne porte ni sur l’objet du contrat ni sur le prix.


Le choix du texte, lorsqu’il peut y avoir deux applications concurrentes, doit également s’opérer en fonction de l’objectif recherché : la nullité de la clause uniquement ou la mise en jeu de la responsabilité de l’auteur de la pratique.




Dans les contrats de consommation, les parties ne déterminent pas ensemble les modalités de leur accord par le biais de négociation. Dès lors, il est possible de retrouver une rupture de l'équilibre contractuel entre les parties, et c'est donc pour cela que le régime des clauses abusives a été créé.


Ainsi, la réglementation s'applique dans l'ensemble des contrats de consommation, conclus entre professionnels et consommateurs, ou non-professionnels, et concernant les clauses ayant pour objet ou pour effet de créer un déséquilibre significatif (art.L212-1 conso) avec un liste de clauses NOIRES, irréfragablement abusives, et une liste de clauses GRISES, présumées abusives.


La sanction des clauses abusives est que la clause est réputée NON ÉCRITE. Mais, il est possible d'y avoir nullité du contrat dans son ensemble si le contrat ne peut pas subsister sans cette clause, ou si toutes les clauses sont indivisibles (prévue conventionnellement).


Dès lors, le juge peut intervenir dans un contrat de consommation afin de sanctionner une clause abusive ou présumée abusive, notamment car il existe un devoir du juge de soulever d'OFFICE le caractère abusif d'une clause en informant les parties et en leur laissant la possibilité d'en débattre contradictoirement (CJUE, 2009, Pannon + CJUE, 2013, Banif Plus Bank).


MAIS, en revanche, le juge n'aura pas la possibilité de réviser le contrat ! (CJUE, 2012, Banqo Español de Credito)


Le déséquilibre doit être SIGNIFICATIF


Un arrêt récent revient sur cette notion de déséquilibre significatif puisque la première chambre civile de la Cour de Cassation dans un arrêt du 9 septembre 2020 précise que les juges du fond doivent examiner les effets sur le coût du crédit d'une clause prévoyant un calcul des intérêts sur une base de 360 jours, plutôt que sur 365 jours afin de savoir si cette clause entraîne ou non un déséquilibre significatif et devient alors abusive envers le consommateur.


En l'espèce, en prenant en compte 360 jours au lieu de 365 jours, la clause avait généré un surcoût de seulement 11,65€ au détriment des emprunteurs.


Or, il s'agit donc d'un "simple déséquilibre" et NON d'un déséquilibre significatif, ne suffisant PAS à caractériser l'abus et à permettre d'invoquer l'art.R212-1 du code de la consommation et à déclarer la clause abusive (Civ, 9 septembre 2020, Caisse d'épargne et de prévoyance d'Auvergne et du Limousin).


Malgré tout, cela aurait été possible si le surcoût avait été supérieur à la décimale et qu'elle aurait entraîné un préjucide à l'égard de l'emprunteur (Civ, 27 nov. 2019, Banque Populaire Auvergne Rhônes).


Dès lors, lorsqu'on invoque le principe du déséquilibre significatif, il ne faut surtout pas oublier l'adage latin "De minimis non curat praetor" qui signifie qu'il ne faut pas s'occuper des causes insignifiantes, des détails ...


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