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Covid-19 et Baux commerciaux

Dernière mise à jour : 10 janv. 2021

Alphonse Allais citait selon ces mots : "Il est curieux de voir comment l'argent aide à supporter la pauvreté". Il convient de lier cette citation de l'écrivain français à la situation actuelle en temps de Covid. En effet, face aux différents confinements et couvre-feu, la plupart des commerces subissent une perte énorme de Chiffre d'Affaires et donc de rentrée d'argent. Le gouvernement tente d'y répondre en proposant 20% du chiffre d'affaires fait en 2019, montant minime face aux pertes d'exploitation et aux charges de personnel et de loyers.


En droit, le bail commercial (article L145-1 com) peut se définir comme la location d’un local, appartenant à un bailleur, afin qu’un preneur y exploite une activité commerciale autonome. Ainsi, comme tout contrat, chaque partie a des obligations envers l’autre et concernant le preneur, ce dernier doit remplir des obligations pécuniaires et notamment le paiement du loyer.

Néanmoins, avec la Covid-19 et les mesures gouvernementales mises en place successivement, tous les commerces français ont été impactés, entraînant un accès réduit à leurs locaux par de potentiels clients. Or, qu'en est-il des loyers du local qu'exploite une enseigne, par exemple, sur les Champs Elysées ? Doit-il payer ses loyers alors même qu'il ne peut les exploiter ?


Question importante pour la sécurité économique des preneurs et concernant également le droit de propriété des bailleurs, il convient donc d'observer différents éléments.


1. Un arrêt important de la Cour d'Appel de Grenoble


Et, tout d'abord, il me semble important de s’attarder sur un arrêt récent de la Cour d’Appel de Grenoble du 5 nov 2020 (CA Grenoble, 5 nov. 2020, n°16-04.533).


En effet, un local commercial s’était vu refuser l’ouverture pendant la première phase de la crise sanitaire avec le confinement et, dès lors, il pouvait paraître normal d’invoquer des mécanismes de droit commun pour se soustraire au paiement des loyers pendant ce confinement, et notamment la force majeure.

o Ainsi, la force majeure correspond à un « événement échappant au contrôle du débiteur, qui ne pouvait être raisonnablement prévu lors de la conclusion du contrat et dont les effets ne peuvent être évités par des mesures appropriés, empêche l’exécution de son obligation par le débiteur » (art.1218 al.1 civ).


Dès lors, à la lumière de cette définition, il convient de soutenir que la crise sanitaire était imprévisible. Néanmoins, concernant l’impossibilité de paiement, la Cour d’appel retient qu’il n’est « pas justifié par l’intimée de difficultés de trésorerie rendant impossible l’exécution de son obligation de payer les loyers ».


Dès lors, il semble possible d'imaginer que si le preneur rapporte la preuve qu’il ne peut pas payer les loyers suite à la crise sanitaire alors, seulement à ce moment-là, les juges pourront accorder la force majeure pour ne pas payer les loyers ? Si tel est le cas, cela pourrait alors être difficile à prouver puisqu’il faudrait alors prouver l’impossibilité de payer les loyers, et de rapporter la preuve d’un lien de causalité entre cette impossibilité et la crise sanitaire du covid-19.


Dès lors, la Chambre commerciale de la Cour d’Appel de Grenoble mettait en valeur dans cet arrêt du 5 novembre 2020 que ni l’exception d’inexécution, ni la force majeure, ni le fait du prince ne pouvait être invoqués par un preneur pour se soustraire au paiement de son loyer en période de Covid-19.


En outre, ce même article 1218 prévoit que « Si l’empêchement est temporaire (comme avec un confinement), l’exécution de l’obligation est suspendue (…) » (art.1218 al.2 civ). Ainsi, il semble que ce soit cette éventualité d'empêchement temporaire qu'une loi du 14 novembre 2020 a souhaité envisager.


2. L'opportunité de la loi du 14 novembre 2020


Néanmoins, une loi n°2020-1379 du 14 novembre 2020 est venue autoriser la prorogation de l’état d’urgence sanitaire et porter diverses mesures de la gestion de la crise sanitaire. Ainsi, en vertu de son article 14-II, le législateur est venu accorder aux preneurs de baux commerciaux la possibilité de ne pas payer leur loyer, notamment car les preneurs ne peuvent pas « encourir d'intérêts, de pénalités ou toute mesure financière ou encourir toute action, sanction ou voie d'exécution forcée à leur encontre pour retard ou non-paiement des loyers ou charges locatives afférents aux locaux professionnels ou commerciaux où leur activité est ou était ainsi affectée ».

o Bien entendu cette possibilité n’est pas intemporelle et le paiement des loyers peut être gelé « jusqu’à l’expiration d’un délai de 2 mois à compter de la date à laquelle leur activité cesse d'être affectée par » les mesures sanitaires.


Cette loi a été passée afin d’encourager les bailleurs à faire des efforts et à renégocier à la baisse les loyers qu’ils imposent afin d’aider leurs locataires à faire face à cette crise sanitaire.


Cependant, le loyer, du local ou de l’immeuble, est fixé selon la liberté contractuelle, tout en étant déterminé ou déterminable, et réel et sérieux. Dès lors, le montant du loyer peut être révisé de différentes façons : lors du renouvellement du bail, lors d’une révision triennale, ou par une clause d’échelle mobile (modification annuelle du loyer selon un indice).


Dès lors, si l’on se réfère au statut des baux commerciaux, une révision du loyer suite à la crise sanitaire semble difficile à moins que le renouvellement tombe pendant la période ou qu’une période de 3 ans s’est passé depuis l’entrée en jouissance ou depuis le renouvellement.


Or, bien entendu, et toujours selon cette même liberté contractuelle, il est possible que le bailleur et son preneur passent un avenant au bail commercial afin de modifier certains termes du bail initial, et notamment de revoir le montant du loyer suite à la crise sanitaire à laquelle font face les commerçants.



On le voit donc, on fait face à des solutions distinctes aux retombées importantes. Reste à voir l'attitude des principales parties prenantes...

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